AGARTHA ! C’est un nom qui a fait rêver bien des occultistes, même s’il recouvre des notions mal définies et parfois contradictoires. De quoi s’agit-il en fait, d’un mystérieux royaume souterrain situé aux confins du Tibet et de la Mongolie ou d’une énigmatique société secrète ? L’une et l’autre version ont leurs partisans, mais tout porte à croire qu’elles comptent chacune une part de vérité.
Si l’on fait la synthèse des rares infirmations qui ont filtré sur le sujet, l`Agartha (ou Agharta Agarthi, Agarrtha d’après certains) serait une assemblée mondiale de sages, de philosophes qui auraient pour but de parvenir à une plus grande illumination spirituelle du monde grâce à l’application de secrets millénaires dont elle seule dispose.. Son siège serait Ch’an-Cheng Lob, un sanctuaire des monts Tien-Shan ou « montagnes célestes ».
C’est au siècle dernier que Saint-Yves d’Alveydre fit état pour la première fois en Occident de ce nom d’Agartha. Personnage curieux que cet occultiste, grand maître de l’ordre martiniste, précurseur de la synarchie (voir l’encadré ci dessous) , alchimiste qui composa des formules pour la production de l’or et de l’argent par sulfuration des métaux inférieurs, connaissant à la perfection l’hébreu et le sanskrit, ce qui lui permit de remonter aux sources de la kabbale et du brahmanisme.
Saint-Yves d’Alveydre en 1890
Né en 1842, d’origine bretonne, le marquis d’Alveydre épousa la comtesse Weller, apparentée à la haute aristocratie européenne, qui lui facilita des contacts avec la cour impériale de Saint-Pétersbourg et lui donna l’occasion de rencontrer des initiés des monastères de l’Asie centrale, colonie tsariste. II consigna ce qu’il avait appris dans un ouvrage, Mission de l’Inde, qu’il fit imprimer, mais dont il détruisit toute l’édition, pris de remords d’avoir révélé des secrets ne lui appartenant pas, à l’exception d’un seul exemplaire qui parvint entre les mains de Papus et permit de faire, en 1910, une seconde édition.
Après Saint-Yves d’Alveydre, Jacoliot, ancien consul de France, fit allusion à l’Agartha dans la Bible dans l’Inde, puis ce fut le tour de H.-P. Blavatsky, la fondatrice de la théosophie, dans la Doctrine secrète et lsis dévoilée. Un peu plus tard, dans le Roi du monde, René Guénon donne d’amples renseignements sur l’Agartha.
D’après lui, un cataclysme, naturel ou provoqué, aurait mis fin il y a des millénaires à la civilisation avancée du Gobi. Les maîtres spirituels de cette partie du monde, surnommés « les fils des Intelligences du Dehors » (faut-il y voir une origine extra-terrestre.?), trouvèrent refuge dans un immense réseau de cavernes sous l’Himalaya. Ils se scindèrent bientôt en deux groupes, « la voie de la main droite », installée à Agartha, cité de la contemplation, de la non-participation au monde, et « la voie de la main gauche », basée à Shamballah, cité de la violence (Mais certains disent que Shamballah est une oasis de lumière ).
Cependant, les informations les plus complètes et les plus étonnantes sur l’Agartha émanent de Ferdinand Ossendowski. Ce Polonais, ancien ministre du gouvernement de l’amiral Xoltchak qui tenta de s’opposer à la révolution bolchevique, dut fuir devant l’Armée rouge en traversant la Mongolie et une partie de la Chine. Durant son odyssée, il vécut quelque temps dans des lamaseries où il collecta des informations de première main qu’il exposa dans son récit « Bêtes, hommes et dieux » publié en 1924 chez Plon (réédité par « J’ai lu » en 1970 as la collection « L’Aventure mystérieuse » n° A 202).
Il y a plus de six mille ans, fut-il raconté à Ferdinand Ossendowski, un saint homme disparut avec toute tribu dans une immense caverne et y fonda un royaume souterrain, Agartha, bénéficiant de ancienne science perdue. A sa tête est le Roi du Monde qui connaît toutes les forces de la nature, lit dans toutes les âmes humaines et dans le grand livre de la destinée. Invisible, il règne sur huit-cents millions d’hommes qui sont prêts à exécuter ses ordres.
« La capitale d’Agartha est entourée de villes où habitent des grands prêtres et des savants, dit un jour le lama Turgut à Ferdinand Ossendowski. Elle rappelle Lhassa où le palais du Dalaï lama, le Potala, se trouve au sommet d’une montagne recouverte de temples et de monastères. Le trône du Roi du Monde est entouré de deux millions de dieux incarnés. Ce sont les saints pandits. Le palais lui-même est entouré des palais des Goros, qui possèdent toutes les forces visibles et invisibles de la Terre, de l’Enfer et du Ciel et qui peuvent tout faire pour la vie et la mort des hommes. Si notre folle humanité commençait la guerre contre eux, ils seraient capables de faire sauter la surface de notre planète et de la transforrmer en désert. »
Sous cette forme, la légende de l’Agartha se rattache à la tradition des Neuf Inconnus dont Louis Pauwels et Jacques Bergier ont révélé l’existence aux lecteurs français dans leur « Matin des magiciens ». Cette tradition remonte à l’empereur Asoka qui régna en 273 avant J.-C. et convertit l’Inde au bouddhisme. Après une série de guerres qui dévastèrent le continent, Asoka décida d’interdire aux hommes le mauvais usage de la science. II recruta neuf sages auxquels il confia tous les traités scientifiques existants.
« L’imagination, écrivent Pauwels et Bergier, entrevoit la puissance des secrets que peuvent détenir les hommes bénéficiant directement des expériences; des travaux, des documents accumulés pendant plus, deux dizaines de siècles. Quels sont les buts de hommes ? Ne pas laisser tomber entre des mains profanes les moyens de destruction. Poursuivre des recherches bénéfiques pour l’humanité. Ces hommes se renouvelleraient par cooptation afin de garder les secrets techniques venus du lointain passé. »
On peut également voir certains rapprochements entre le mystère de la cité souterraine de l’Agartha et les révélations de Lobsang Rampa. Dans « le Troisième Oeil »(Voir la couverture dans l’édition Albin Michel d’Avril 1970) , ce lama raconte qu’après avoir atteint le dernier degré d’initiation il fut conduit par trois grands métaphysiciens lamaïstes dans une profonde crypte de Lhassa où résiderait le véritable secret du Tibet.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on ne parlait plus guère de l’Agharta, quand un initié de haut grade, du nom de Kut Humi Lal Singh-Kwang Hsih, fit des révélations à ce sujet dans la publication occultiste « Initiation et Science ». S’il n’apportait pas d’éléments inédits sur la cité souterraine, se contentant de rappeler tout ce qu’on en avait dit auparavant, il mettait l’accent sur l’aspect société secrète. Cependant, il s’agissait, si on le croit, d’une initiation individuelle, rejoignant ainsi l’opinion de René Guénon selon qui on devient initié au terme d’une longue ascèse, d’une initiation individuelle.
« On ne s’incorpore pas à l’Agharta, on n’y adhère pas, et surtout on n’y est pas nommé ou élu, précisait Kut Humi. Agarthien est seul celui qui conquiert son titre de plein droit spirituel ; on le devient par la voie de la réintégration divine, dont l’initiation ésotérique est le processus d’effectuation et d’application, car seule la science spirituelle est capable de transformer et réhabiliter l’être humain au sens le plus intégral et transcendantal. La condition d’Agarthien est bien la caractéristique la plus profonde du Yoguin des Himalayas, du Tien Ti Huan ou de « l’homme céleste » des Hébreux primitifs. Les véritables Agarthiens se reconnaissent entre eux et sont toujours disposés à collaborer à l’œuvre de réhabilitation de l’humanité, afin de faciliter dans le monde entier le même épanouissement de conscience et réaliser la communion spirituelle qu’ils ont atteinte eux-mêmes.
L’Agartha se réunit de temps en temps en conseil ou Durultai, toujours dans les régions éloignées des centres peuplés ou civilisés, des impertinences importunes, des fluides grossiers et des agglomérations communes. Ses décisions sont toujours prises à l’unanimité et sont d’application immédiate par la puissance magique et la haute sagesse de cet égrégore cosmique, dont les forces psychiques, astrales et spirituelles ainsi que les immenses possibilités matérielles, sont redoutables au plus haut degré quand elles sont mises au service d’une cause en particulier. »
Toutefois, quels que soient les éclaircissements qu’il a pu apporter, Kut Humi n’a pas révélé tous les mystères de l’Agartha. Loin de là. Le secret réside-t-il dans les vénérables archives conservées dans les lamaseries tibétaines, dont une faible partie seulement a été traduite ? C’est possible, mais depuis l’annexion du Tibet par la Chine, ces livres saints ne sont plus accessibles.
Quels sont les rapports de l’Agartha avec les Neuf Inconnus ? Les Agarthiens ont-ils vraiment hérité les secrets d’une civilisation disparue, l’Atlantide éventuellement, comme certains l’ont dit ? Quels ont été leurs rapports avec les membres du groupe Thulé dont l’idéologie aryenne influença considérablement les chefs nazis ? Autant de questions qui restent sans réponse en l’état actuel de ce que l’on sait.
Saint-Yves d’Alveydre et la synarchie
SA1NT-YVES d’Alveydre croyait au déclin des démocraties parlementaires et à leur remplacement par des régimes technocratiques. La synarchie, mot par lequel il définissait une organisation sociale idéale, devait, selon lui, conduire à l’avènement sur la terre d’un empire universel historique.
Cette conception, ou tout au moins ce qui avait trait à un gouvernement technocratique, fut reprise dans les années 30 par un certain nombre d’intellectuels, pour la plupart anciens élèves de Polytechnique. On parla beaucoup à cette époque d’une société secrète portant le nom de Synarchie visant à prendre le pouvoir. Des groupes d’études organisés par Jean Coutrot à la Sorbonne et à l’abbaye de Pontigny furent alors dénoncés par la presse comme des centres de propagande de ce complot.
Lorsque l’amiral Darlan constitua en février 1941, le deuxième gouvernement du régime de Vichy, des observateurs y virent une victoire de cette société secrète, des ministres comme Paul Baudoin, Jacques Barnaud, François Lehideux et Pierre Pucheu étant â tort ou à raison considérés comme des synarques.
Après la Libération, on mit en doute l’existence de la synarchie « qui ressortit plus â la mythologie qu’à l’histoire véritable », selon le jugement de Robert Aron. On a alors murmuré que ces dénégations avaient pour auteurs des synarques ayant choisi l’autre camp, celui de la France libre.