Tout d'abord, prenons le temps de citer quelques'uns des plus grands anciens auteurs qui se sont penchés consciencieusement sur cet Art Divinatoire et qui nous on concocté de multiples ouvrages de référence en ce cette matière: Collin de Plancy, L'Abbé Migne, Nathaniel Moulth, Charles Nisard, Johannès Trismegiste…
Ceux-ci ont notablement puisé leurs codifications à une même source.
Cette inspiration commune se perçoit tant dans les transcriptions, parfois strictement identiques, des formes ou des dessins déposés au fond d'une assiette, que dans la structuration de leurs observations.
Origine des formes commune à plusieurs arts divinatoires
Étrangement, l'ouvrage le plus détaillé dans cet inventaire des formes significatives a été édité très tardivement par rapport à l'œuvre originale, inspiratrice de ces divers écrits. Cette connaissance, approfondie et supposée non dénaturée, s'explique par le fait probable que, petit fils et fils de magicien, l'auteur avait dû recevoir en héritage un exemplaire de ce fabuleux grimoire, aujourd'hui à jamais disparu.
La richesse de la documentation proposée laisse à penser qu'il n'aurait pas eu la même retenue que ses prédécesseurs à divulguer l'intégralité des savoirs en usage. A moins que, comme il le déclare dans ses écrits, il ait décidé d'intégrer dans ce large lexique l'interprétation de quelques formes, enseignée par d'autres arts divinatoires qui furent initiés avant le développement de la "cofféamancie" :
"La divination par le café parait difficile d'abord, mais avec un peu de pratique, on en vient parfaitement à bout. Pendant que le ciel est un peu couvert, vous vous êtes sans doute amusé à regarder ces formes fantastiques et bizarres qu'affectent les nuages dans leurs transformations incessantes ; vous y avez reconnu des figures d'hommes, d'animaux, de plantes, de châteaux, de villes, de chariots, et mille autres images fugitives, qui, bien certainement, ont leurs mystérieux rapports avec les événements heureux ou malheureux de l'existence humaine. Pour les sages qui possèdent l'arcane général des sciences occultes, ces rapports sont connus et servent à lire couramment dans le livre infaillible de l'avenir; cette science était connue par les peuples les plus antiques, sous le nom d'aéromancie. Les Grecs et les égyptiens observaient aussi les figures singulières que formaient les tourbillons de fumée qui s'élevaient des sacrifices, et nommaient capnomancie de l'art d'en déduire l'avenir. Il en était de même de la fumée des parfums qu'ils brûlaient dans l'ébanomancie. Ils pratiquaient la pyromancie, ou explication des ligures plus ou moins bizarres que les charbons ardents forment dans un brasier ou un foyer, surtout quand ils commencent à se couvrir de leurs propres cendres. Ils prédisaient encore l'avenir par les ligures qui se formaient avec de la cire fondue, qu'ils épanchaient goutte à goutte sur de l'eau froide, selon les principes de la céromancie. Enfin, ils employaient les mêmes procédés que ceux de la cofféamancie pour expliquer les nombreuses figures que formait, sur le fond d'une assiette, de la farine en se précipitant d'une infusion ; cette divination se nommait aleuromancie. Or donc, les figures que formaient toutes ces méthodes s'expliquaient chacune de la même manière et selon les mêmes principes ; donc la cofféamancie, qui se compose absolument de ces mêmes principes, date de beaucoup plus haut que la découverte du café, puisque son origine se perd dans les ténèbres de la première antiquité. Telle est, du moins, la puissante manière de raisonner de nos plus célèbres magiciens, comme mon grand-père Thomas Moulth me l'a souvent affirmé.
Il résulte des principes que nous allons donner ici, qu'ils pourront servir non-seulement à la cofféamancie, mais encore à l'aéromancie, capnomancie, ébanomancie, pyromancie, céromancie et aleuromancie, molybdomancie (plomb fondu), oomancie (blanc f'oeuf), vitréomancie (sable répandu) ce qui nous évitera neuf chapitres dans lesquels nous n'aurions pu que nous répéter. Les principes que je vais développer sont d'autant plus agréables à connaître, qu'ils permettent de lire dans l'avenir, à la promenade, au coin de son feu, etc...""
Mode opérationnel
L'auteur aborde ensuite le rituel mis en place autrefois pour obtenir un dépôt suffisant à la constitution escomptée de signes dénommés autrefois "hiéroglyphes" du fait de leurs significations cachées. Plusieurs points diffèrent avec la pratique sociale actuellement en vigueur sur certaines rives méditerranéennes, notamment en Turquie.
Avant d'analyser ces distinctions, en voici l'exposé :
"Prenez du marc de café, vieux ou récent, très épais, provenant de café moulu ni trop gros ni trop fin : versez dans la cafetière où il se trouve autant de verres d'eau qu'il y avait d'onces de café. Faites chauffer ce marc jusqu'à ce qu'il se délaye dans l'eau; remuez-le avec une cuillère, puis versez-le sur une assiette plate, très sèche et très blanche, en faïence fine ou en porcelaine, de manière à ne la remplir qu'à moitié. Agitez cette assiette en tous sens, mais légèrement, pendant une minute, puis décantez en versant doucement le dessus du marc et l'eau dans un autre vase. Le dépôt qui reste sur te fond de l'assiette, quand il n'y a plus d'eau, forme des figures et des dessins aussi variés que nombreux, qui sont les hiéroglyphes à expliquer. Si, pour avoir trop remué l'assiette, les dessins se trouvaient embrouillés au point de n'être pas explicables, on recommencerait l'opération.
On trouve encore de vieilles sorcières, tireuses de cartes, qui accompagnent ces opérations de paroles magiques que voici: Aqua boraxil veniat carajos. (Le sens de ce dernier mot annonce évidemment que ces paroles ont été inventées par ce que l'Espagne possède de plus canaille en bohémiens ou gitanos.) Elles les marmonnent entre les dents en versant l'eau dans la cafetière ; puis, en remuant le marc avec la cuillère : Fixature et patricam explinabit tornare. Enfin, en le mettant dans l'assiette : Max verticaline, pax fautas marobrum, max destinatus, veida porol. Ces paroles, outre qu'elles sont barbares et sans signification, sont un reste de superstition. Or, nous autres initiés à la vraie sagesse par Jehova, pour extirper, des sciences occultes et magiques, jusqu'à la moindre trace de superstition, réunis en grand chapitre par la puissance mystérieuse dés nombres 3, 5, 7 et 9, nous avons décidé, à l'unanimité, que les paroles superstitieuses seraient retranchées.
Il est certain qu'il ne s'agit nullement de préparer un fabuleux breuvage destiné à une dégustation conviviale. La mouture n'est point fine et la mixture ainsi élaborée est renversée dans une assiette plate. La décantation progressive s'opère par des mouvements rapides. Cette pratique ancienne a probablement induit cette persistance d'un geste rotatif dans le rituel encore observé dans certaines régions.
De même, dans d'autres provinces, il est encore en usage de prononcer quelques paroles pour accompagner l'ouverture de la tasse ou annoncer le terme de la lecture de l'oracle. Mais ces propos n'ont plus rien de formules cabalistiques. Parfaitement compréhensibles par le commun des mortels, ils correspondent tout au plus à rappeler l'importance pour chacun d'un réel libre arbitre.
Il semble bien que la stricte assimilation de la lecture du marc de café à la simple analyse de "hiéroglyphes", quelque peu similaires à ceux formés par des nuages, des fumées de parfum, des gouttes de cire ou de plomb, ait profondément altéré l'importance de la dégustation du fabuleux breuvage et ainsi escamoté ces précieux instants de complicité, préalables à toute lecture.
Controverse et critiques
Certes, un lexique parfaitement détaillé peut paraître nécessaire, voire indispensable à tout néophyte, mais n'est-il pas notoirement insuffisant pour interpréter correctement les signes laissés par le marc de café et déceler ainsi des perspectives d'avenir? Malgré tous les efforts pour dissiper d'éventuels errements, que d'incertitudes demeurent pour lever un supposé "triple voile".
La première incertitude concerne la reconnaissance des formes.
L'auteur évoque explicitement cette réserve qui ne peut être levée que par une longue initiation : " Il ne faut pas s'attendre à trouver, par ces divers procédés, des dessins parfaits et réguliers, car cela arrive excessivement rarement, et l'avenir resterait couvert de son triple voile, si l'art, l'imagination et l'intelligence ne venaient, comme toujours, au secours du devin.
Telles lignes qui ne représenteraient rien aux yeux d'un profane, seront claires et précises pour l'adepte, comme une phrase écrite en français, ou, si vous aimez mieux, comme un tableau peint par le plus habile artiste. Par exemple, un petit rond, soutenu par une petite ligne verticale, qui se termine en bas par deux lignes un peu obliques, est un homme parfaitement caractérisé aux yeux pénétrants de l'initié ; un petit triangle, surmonté de deux pointes, au bout d'une ligne oblique, touchant une ligne horizontale, soutenu par trois ou quatre lignes verticales, est bien évidemment un cheval. Une virgule, au bas du triangle, pour faire une barbe, et les deux pointes s'allongeant et se courbant, le cheval devient un bouc, etc...
Les dessins que nous donnons ici en apprendront plus que nous ne pourrions en dire en un gros volume. Qu'on n'aille pas s'imaginer que, pour reconnaître une chose, il faut qu'elle soit absolument comme les figures que nous avons données : il suffit qu'elles en conservent les traits principaux ou une certaine ressemblance que nous autres sages nous appelons le faciès arcanique ou mythique, pour que nous les reconnaissions au premier coup d'œil, tandis que le néophyte, non inspiré d'en haut, n'y verrait que du café.
Autre exemple : voilà une petite boule plus ou moins ronde, placée sur la pointe d'un triangle dont la base est portée par deux gros points: vous prenez ça pour la pyramide d'une tombe? pas du tout ; c'est une femme parfaitement reconnaissable ; or, jugez par combien de modifications elle pourrait passer avant de ressembler à la Vénus de Médicis , et cependant, à chaque modification, ce serait toujours une femme".
Pour conclure ce chapitre sur les réelles difficultés à identifier certains signes, l'auteur écarte toute contradiction possible en alléguant la compétence et donc la primauté de l'initié sur tout quidam : "Lors même qu'une personne à laquelle vous montreriez cette figure n'y reconnaîtrait pas la même chose que vous, vous devez vous en tenir à ce que vous y voyez, car, certainement, c'est une inspiration mystérieuse qui vous fait voir ainsi".
La deuxième incertitude s'applique à la détection d'éventuelles relations qui associent plusieurs formes entre elles et déterminent ainsi les nuances ou les caractéristiques d'une interprétation propre à chacune des personnes.
"Quant à la manière de faire la lecture, et de lier les phrases entre elles, pour leur donner un sens entier et complet", l'auteur renvoie à un chapitre où l'explication d'un songe fait par Mademoiselle de B* est donnée à celle-ci par Cagliostro. Mais, un rêve est constitué d'un enchaînement chronologique de scènes et de paroles alors qu'une forme singulière d'un dépôt se décèle à proximité, en superposition ou en opposition d'une autre. Quelle est donc cette fabuleuse règle commune qui permettrait de déterminer une situation à venir, arrêtée à partir de la lecture d'un positionnement d'une forme quelconque sur une assiette et celle obtenue après l'analyse d'un enchaînement chronologique ? L'auteur ne précise ni cette règle, ni la méthode, ni les principes qui amèneraient le lecteur vers une interprétation dépourvue de tout aléa ou d'erreur, et partant non empreinte de contre sens.
Sur la base de quelles notions, la teneur de ces grimoires, publiés depuis plusieurs siècles et s'adaptant étrangement à la transformation progressive des sociétés - notamment, à l'évolution des moyens de transport - est-elle respectable ? En effet, pourquoi signale-ton certaines formes telle que celle de l'avion dans les manuels du XXIème siècle et que ces mêmes formes ne pouvaient absolument pas apparaître dans les tasses du XIXème siècle ? Inversement, pourquoi la quenouille ne figure-t-elle plus dans un lexique du XXIème? Que dire de l'inventaire des formes, détaillé ci-dessus et édité au XIXème siècle, si distinct dans ses termes explicatifs de ceux, contemporains et dont une synthèse est retranscrite à la rubrique "DE LA PROFUSION DE MANUELS ET DE GUIDES". Les différences sont telles que tous ces ouvrages en deviennent contradictoires entre eux et se discréditent respectivement.
Ainsi, comment comprendre ces quelques distorsions :
*Araignée (XIXème siècle): Vous aurez du chagrin.
*Araignée (XXIème siècle): inventions, avantages matériels et financiers, rétributions pour un travail
*Épée (XIXème siècle): Violence, quand elle est seule ; séduction dangereuse pour une femme, quand elle est entre Ies mains d'un homme.
*Épée (XXIème siècle): querelles
*Faucille (XIXème siècle): Vous acquerrez des propriétés.
*Faucille (XXIème siècle): chagrins amoureux
Le présent constat atteste, si nécessaire, que cette tradition séculaire ne peut se restreindre à l'emploi servile d'un vocabulaire de formes, esquissant des traits psychologiques ou des situations à venir, puisque ces ouvrages au fil du temps se contredisent et que la coutume recommande à tout lecteur un degré d'attention si particulier au moment de l'analyse des "hiéroglyphe" que tout initié ne peut en aucun cas se souvenir, peu de temps après, de la moindre de ses observations et ainsi être en capacité de les retranscrire pour les codifier précisément en un enseignement applicable par tout à chacun. Ainsi, comme le veut la tradition ottomane, une lecture de traces de marc est bien davantage qu'une rudimentaire identification de formes parce qu'elle s'inscrit toujours dans le cadre d'un cérémonial convivial associant étroitement le requérant et l'initié. L'édition de lexiques, l'envoi de photos vers des services internet ou l'usage de programmes numériques d'interprétation sur des portables, toutes ces démarches dites rationnelles, ou simplement commerciales, annihilent une pratique sociale du partage de l'instant, et effacent inéluctablement ce patrimoine immatériel, constitutif du creuset culturel de tant de contrées.
Source: cafe-turc.pagespro-orange.fr