Savez-vous que votre signe n’est pas le bon ? Que les astres servaient à dialoguer avec les dieux ? Comment sont nés les horoscopes ? Petite histoire d’une « science » bien vivante.
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C’est en regardant le ciel que les prêtres babyloniens ont inventé l’astrologie, il y a environ 5000 ans. C’est pour dialoguer avec les dieux, mais aussi pour découper le temps en années, mois, semaines, saisons, et pour prévoir les phénomènes climatiques, qu’ils observaient les étoiles. Nous leur devons les premiers calendriers. Lire les messages des astres servait donc autant à déterminer la meilleure période pour semer le grain qu’à savoir s’il fallait entrer en guerre avec le pays voisin. Les premières tablettes astrologiques datent du IIe millénaire avant J.-C. Conseillers des rois, les astrologues étaient des hommes puissants, supposés capables d’éloigner les famines, les épidémies par des sacrifices d’animaux adaptés à chaque situation.
Les premiers thèmes astraux – les premiers horoscopes –, établis à partir des douze signes du zodiaque, sont apparus en Chaldée, quelque part entre le Tigre et l’Euphrate, vers le Ve siècle avant J.-C. Après les Babyloniens, ce sont les Égyptiens, les Indiens, les Grecs, les Romains, puis les Arabes qui ont entrepris de se pencher sur le langage des astres.
D’où viennent les horoscopes
L’astrologie a aussi servi au cours des siècles à des prédictions globales à long terme. Les plus célèbres sont les « Prophéties » de Nostradamus (1503-1566), qui avait prédit qu’une époque de terreur s’abattrait sur la France sous le règne d’un roi nommé François. Un grand « effrayeur » venu du ciel sèmerait alors le chaos : il s’est trouvé des commentateurs pour assurer qu’il parlait de la chute des tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001.On attribue à Claude Ptolémée (env. 100-170), astrologue et astronome d’Alexandrie, le premier système astrologique (et astronomique) moderne. La séparation entre l’astrologie et l’astronomie ne se produira qu’au XVIIe siècle. Les distinguer est facile : l’astronomie décrit le ciel et les planètes, l’astrologie en tire des interprétations et des prédictions. Sous l’Empire romain, le ciel, qui ne s’adressait qu’aux rois, descend sur terre : il se démocratise, se met à parler au commun des mortels. Mais les hommes de l’Antiquité, contrairement à nous, ignoraient leur signe de naissance. Ils se procuraient des pierres porte-bonheur représentant les signes du zodiaque, mais n’interrogeaient pas les astres pour connaître leur destinée. Cette pratique n’a commencé à se répandre qu’à la Renaissance, quand l’idée d’un destin individuel s’est insinuée dans les esprits. En fait, ce sont les magazines féminins de l’après-guerre et, surtout, la création, en 1968, d’Astroflash et du décryptage informatisé du thème astral, qui ont popularisé les horoscopes personnels et leur lecture régulière.
Votre signe n’est pas le bon
Quand Ptolémée a établi le système astrologique, le soleil culminait en début d’année dans la constellation du Bélier, le premier signe du zodiaque. Seulement, l’astre de lumière se décale d’une constellation tous les 2160 ans : un phénomène appelé « la précession des équinoxes ». C’est dire qu’aujourd’hui il existe près d’un mois d’écart entre notre signe astrologique et les réalités planétaires. En conséquence, notre signe n’est pas le bon ! Et nous appartenons tous à celui qui précède le nôtre. Ainsi, une personne née le 10 mars, et qui s’imagine être Poissons, doit réaliser qu’elle est Verseau.
De plus, la carte du ciel des astrologues est inexacte. Il y a en effet treize constellations et treize signes – et non douze. Ils escamotent le Serpentaire, signe situé dans le ciel entre le Scorpion et le Sagittaire, et par lequel le soleil transite du 29 novembre au 18 décembre. Cette omission n’est due qu’à un souci de simplicité : pour obtenir une carte du ciel cohérente, il est plus facile de diviser par douze que par treize. D’ailleurs, les astrologues prétendent remédier à cet inconvénient par d’ingénieux calculs, à l’aide de « tables d’éphémérides », qui leur permettent de mesurer les mouvements planétaires.
L’astrologie, ça marche
De même qu’elle a survécu aux attaques de l’Église chrétienne, qui la considère comme une hérésie éloignant de Dieu, l’astrologie a résisté aux coups portés par le rationalisme scientifique. Quand des centaines d’études tentent de prouver son absence de fondement, il s’en trouve toujours une qui valide son utilisation. Ainsi, Michel et Françoise Gauquelin, statisticiens, qui furent directeurs scientifiques du magazine Psychologies dans les années 1970, ont tenté diverses expériences pour prouver les liens entre personnalité, profession et signes astrologiques.
Dans l’une d’elles, ils avaient recensé 3000 militaires et constaté qu’ils étaient nés au moment où Mars, qui doit son nom au dieu romain de la guerre, culmine. Dans une autre, ils avaient remarqué que de très nombreux savants avaient un thème de naissance dominé par Saturne, planète supposée être liée à la réflexion. Eux qui, au départ, étaient anti-astrologie en sont devenus des adeptes.
Dans les années 1990, une très sérieuse étude menée par des chercheurs de l’université de San Diego, en Californie, publiée par la revue médicale britannique The Lancet, montrait que la communauté asiatique de San Francisco était réellement prédisposée aux pathologies liées à chaque signe, selon l’astrologie chinoise. Ainsi, les individus nés une année marquée par l’élément « terre », qui prédispose aux cancers, aux tumeurs, succombaient à ces pathologies et avaient une espérance de vie – relativement – conforme aux affirmations de leur horoscope.
En revanche, la population blanche échappait totalement aux prédictions médicales de l’astrologie chinoise. The Lancet avait accueilli ces résultats comme une confirmation de la dimension psychosomatique de toute maladie, notant que la situation d’exil, d’éloignement du pays natal, pousse à se raccrocher à sa culture d’origine. Une façon d’attester que l’astrologie constitue un système symbolique qui nous influence, comme les idées, les pensées, les mots nous influencent.